Est-ce que le Liban a été une colonie française ?

« Ils parlent d’une colonisation française au Liban, ancien mandat français, sans jamais évoquer le terme « colonisation ». Il me semble que c’est problématique, non ?

 » Combien de fois ai-je entendu cette remarque pendant le travail de mon maître. J’ai insisté pour ne pas parler de colonisation par rapport au Liban ; j’ai refusé de penser à la place scolaire française au Liban en termes de patrimoine colonial, car le mandat ne réduit pas la place scolaire de la France dans les anciennes provinces arabes de l’Empire ottoman, et au Liban en particulier.

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C’ est ce dont je veux parler aujourd’hui. Comment le mandat peut-il être défini ? Comment le système de proxy français convient-il ? Comment étaient les l’expérience peut-elle obligatariser pour les groupes de population touchés ? Peut-on essayer de traduire ce terme avec sensibilité dans le prisme des existences individuelles et des décisions collectives ? Quel est l’héritage du mandat au Liban aujourd’hui ? Le mandat explique-t-il la présence de l’école française au Liban ?

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Commençons par dire que le sujet de la colonisation est mal à l’aise. Part du patrimoine familial, conflit de loyauté, sentiment jamais « bon » de raconter la véritable partie de la colonisation dans le projet français de mandatarisation. Je ne me sens jamais à l’aise quand il s’agit de régler ce problème. Cependant, je vais essayer ici de vous offrir un lecteur de ce qui a été le mandat français en Syrie et au Liban au carrefour des travaux de plusieurs chercheurs.

Le Liban, membre de l’empire colonial français et traduction de l’impérialisme

Le considérant l’établissement du mandat français au Liban et en Syrie est une tentative de retracer la longue histoire des relations franco-ottomanes et ses effets. Il souligne également les conséquences de cette relation privilégiée entre la France et l’Empire ottoman lors de l’effondrement de ce dernier en 1918 à la fin de la Première Guerre mondiale.

Définir le mandat pour mieux comprendre son histoire

Dans le livre révolutionnaire sur la définition de la société d’agents français en Syrie et au Liban, dirigé par Nadine Méouchy, Henry Laurens propose une définition qui a attiré mon attention : le mandat est « une société libérale de colonisation » 2, qui repose sur la mise en place d’une tutelle internationale , sous le contrôle de la Société des Nations (SDN) dans les régions arabes de l’Empire ottoman. Je m’intéresse à cette définition de deux façons : vous considère que le mandat fait partie du système colonial et impérialiste français dans l’entre-deux-guerres, tout en nuisant à sa place dans le projet impérialiste qui anime l’empire colonial français. Cette définition reflète donc cette place, hormis le mandat du projet du Reich français.

Le but était de tracer le cercle en Syrie et au Liban : dominer et en même temps prendre le chemin de l’indépendance . Cette expérience juridique révèle alors toutes les lacunes, toutes les ambivalences du projet colonial français. Il montre tout l’impensable de ce projet, ainsi que les tensions qui animent le pouvoir politique français alors que son empire est contesté par toutes les parties.

Mandat comme point culminant d’un processus historique d’impérialisme

Impérialisme « correspond à la reconnaissance de l’importance des facteurs commerciaux et financiers dans les relations internationales et les phénomènes de domination politique et militaire ». C’est précisément sur cette base de l’impérialisme économique que s’exprime la présence française dans les provinces arabes de l’Empire ottoman.

Il y a « une longue tradition d’ingérence politique et économique dans l’Empire ottoman de la part de la France, qui s’est développée à partir des capitulations hors capitulations et a été renforcée par l’avancée impérialiste de la fin du XIXe siècle » 4. Présence dans les provinces arabes de l’Empire ottoman à Bilad al-Sam depuis le cours du XIXe siècle. Ces renoncer sont « un acte unilatéral accordé par le souverain d’un empire à une nation alliée au plus fort de son pouvoir à une nation alliée, puis bénéficier d’un certain nombre de privilèges » 5.

Ces La tradition impérialiste, cependant, ne se limite pas à une présence économique ; elle est aussi culturelle, religieuse et éducative. En effet, l’intervention économique est perturbée par d’autres formes d’ingérence qui contribuent à légitimer la présence française à Bilad al-Sam. La présence missionnaire française au Moyen-Orient, constamment soulignée depuis le XIXe siècle, contribue ainsi à la conception des « faisceaux paroissiaux » à 6.

En effet, le renouvellement de l’expérience missionnaire catholique, qui a trouvé sa source dans les Croisades (XIe-XIIIe siècles), vise à permettre l’établissement des communautés catholiques du Saint-Siège, mais à revendiquer une certaine spécificité (bien plus que la transformation massive des musulmans au catholicisme). Cette élection d’un sapostolat missionnaire centré sur les communautés chrétiennes s’explique à la fois par le sentiment que les musulmans sont un « inattaquable » Le bloc 7, ainsi que l’entrelacement des fonctions civiles et religieuses des dirigeants ottomans et toute tentative de remise en cause de la grossesse musulmane de l’empire pourraient alors conduire à l’interdiction de la présence missionnaire dans son ensemble.

Cependant, la pratique missionnaire dispose de deux instruments centraux qui contribuent au renforcement de la confessionnalisation de l’espace ottoman8 : les écoles et les cliniques médicales. Ces deux espaces sont alors considérés comme la source de la pénétration des communautés chrétiennes pour les conduire à la raison du Saint-Siège. Ces « deux piliers de l’apostolat missionnaire » 9 permettent de légitimer la présence des missionnaires religieux dans les communautés, tout en permettant des imprégnations religieuses et culturelles qui tendent à renforcer et à légitimer l’ingérence économique.

Ces deux impérialistes, économiques et culturels Les traditions participent à la gravure de la voie de l’expérience mandataire, qui trouve donc une légitimité relative dans le contexte d’une « mission de civilisation sacrée ».

Mandat comme l’une des conjugations du colonialisme français.

Cette « mission sacrée de la civilisation » 11, dont le mandat serait une traduction pratique et juridique, est néanmoins déterminée par la force militaire.

La formule du mandat découle d’abord de deux accords diplomatiques qui font de la France et du Royaume-Uni les grands horlogers de Bilad al-Sam. Tout d’abord, l’Accord de Siykes Picot, qui, en 1916, justifiait la promesse de créer une maison juive en Palestine. Les Accords de San Remo, 1920, qui ont coupé le Moyen-Orient dans une image des intérêts et des présences franco-britanniques : la France contrôlait alors le territoire de la province syrienne, où les territoires palestiniens et irakiens étaient sous La Grande-Bretagne tombe.

Ces deux accords souchent le péché originel du mandat français en Syrie et au Liban : s’appuyer sur un ordre diplomatique imposé plutôt que sur les attentes de la population. Cependant, ce péché a été accentué à l’été 1920 lors de la bataille de Meysalloun : cette bataille marque la fin du rêve arabe du roi Faysala hors de Damas et est imposée par la force militaire la présence française sur la province syrienne en ligne droite de ce qui a été décidé à San Remo. Quelques semaines plus tard, en septembre 1920, le général Gouraud, alors haut-commissaire français pour le Liban et la Syrie, annonçait l’indépendance du Grand Liban (de la province syrienne).

Pour se joindre à cette suprématie imposée militairement que la Charte du Mandat fut signée à Londres le 24 juillet 192212. C’est ainsi que l’imposition d’un mandat français pour Le Liban et la Syrie sont les sources de l’expérience coloniale française : imposition militaire, suprématie diplomatique, impérialisme économique et culturel.

Mais c’est là que se déploie toute l’ambivalence du mandat français pour la Syrie et le Liban, et la compréhension de sa construction administrative, politique et sociale ne me permet pas de transformer le Liban en une colonie pure française, comme la Côte d’Ivoire, le Sénégal ou l’Algérie.

Mandat d’ambivalence

Ambivalence dans le texte…

« L’agent développera un statut biologique pour la Syrie et le Liban dans les trois ans suivant l’entrée en vigueur du présent mandat. Ce statut organique est établi en accord avec les autorités autochtones et tient compte des droits, intérêts et souhaits de tous les peuples vivant sur ces territoires. Il prendra des mesures pour réduire le pour faciliter le développement de la Syrie et du Liban en tant qu’États indépendants. Dans l’attente de l’entrée en vigueur du Statut Organique, l’administration de la Syrie et du Liban sera mise en œuvre conformément à l’esprit de ce mandat. L’agent doit promouvoir les autonomies locales dans la mesure appropriée aux circonstances. « 

Article 1 de la Charte du Mandat au Liban et en Syrie 13 Cet article premier de la Charte du Mandat revêt une importance capitale car il révèle à lui seul les ambivalences du mandat. Considérant les « États indépendants » qui, tant que leur développement l’exige, doivent être sous le contrôle d’un État extérieur, cet article témoigne de la déviation inhérente du projet de mandat. Il est enraciné dans l’alliance entre les attentes de Wilson envers les États-Unis, qui, à la fin de la guerre mondiale, le droit des peuples à l’autodétermination et les traditions impérialistes et coloniales de la France et de la Grande-Bretagne.

… ce qui se reflète dans l’exercice des pouvoirs de mandat au Liban et en Syrie.

Cette ambivalence dans le texte entre la défense d’un idéal d’indépendance et le régime militaire se reflète ainsi dans l’exercice du mandatarisme, exercice fondé sur les tensions permanentes entre autorités civiles et militaires.

Le premier mandat du mandat (entre 1920 et 1926) a conduit à un monopole du pouvoir politique et militaire entre les mains du Haut Commissaire pour le Liban et la Syrie, qui a concentré « toutes les puissances administratives et militaires » 14, ce qui est dû au recrutement du Haut Commissaire au personnel de la . Malgré cela, et cela est déjà en 1920, la tension entre le pouvoir civil et militaire a été perçue, il a été entouré par un cabinet politique composé de la Direction du renseignement et un certain nombre de services de l’administration publique. mis ensemble.

Ce gouvernement à deux têtes, réuni sous le contrôle du Haut Commissaire, symbolise la tension entre les deux objectifs du mandat. Alors que les autorités militaires tendent à étendre le contrôle de la France sur l’ensemble du territoire syro-libanais et tentent d’entreprendre une insurrection nationaliste, les autorités civiles, tout en faisant partie du projet colonial, tentent d’atteindre l’objectif de développement des territoires syrien et libanais. Cette inscription dans le projet colonial conduit à une capture de la richesse générée par la bourgeoisie libano-syrienne, qui tend néanmoins le plus à défendre le système des mandats, puisqu’il est lié aux intérêts de cette dernière.

L’ année 1926 marqua toutefois un demi-effondrement de l’organisation du mandat en imposant la clarification des relations entre les autorités militaires et civiles. En effet, le soulèvement de Druzen Jebel, le territoire syrien se répand progressivement dans toute la Syrie. Cela semble être un signal aux autorités mandataires contraintes de « mettre au point de nouvelles formules de mandat plus étroitement liées aux aspirations nationales, qui s’expriment de plus en plus à la fois dans la classe politique et dans la population locale » 16. Haut Commissaire, qui met les États obligatoires sur la voie de l’autonomie grâce à la mise en œuvre d’un véritable processus constitutionnel. Dans le cas du Liban, une constitution a été adoptée le 23 mai 1926 – où l’État du Grand Liban est devenu un État libanais – mais les pouvoirs sont garantis par l’article 102 : « Cette Constitution, en sa qualité de représentant de la Société des Nations, est placée sous la protection de la République française. Toutes les dispositions légales enfreignent cette Constitution Cette décision de « civiliser » le mandat par rapport aux attentes de la composante militaire conduit cependant à un lance-fronde interne : les autorités militaires obligatoires tenteront de déstabiliser le Haut Commissariat en utilisant le risque d’insurrection, car elles considèrent qu’un Haut Commissaire civil est en danger. Intérêts du mandat français.

L’ un des grands moments de la révélation de l’ambivalence mandataire eut lieu les 2 et 3 décembre 1932, lors de la présentation du SDN au SDN, l’avancement des mandats français et britanniques dans les territoires de l’ancien Empire ottoman. Les autorités de l’agent sont alors obligées d’admettre leur échec. En Syrie, ils ne peuvent renoncer à leurs ambitions coloniales de mettre les nationalistes syriens sur la voie de l’indépendance18. Au Liban, malgré l’adoption bilatérale de la Constitution, ils attaquent par crainte de la domination démographique de la Musulmans conduisant à l’élection d’un président musulman et non chrétien de la République, comme le souhaiteraient les autorités mandatées – en particulier en raison des liens importants entre la bourgeoisie maronite et le mandat des autorités – 19.

On peut le voir ici, alors que le mandat porte l’idéal d’indépendance et de développement, les autorités du mandat n’ont pas partagé leurs traditions coloniales pour amener ces États à l’indépendance pacifiquement et « calmement ». La relation entre les autorités françaises mandataires et les nationalistes syriens symbolise cette tension, car les divers hauts commissaires successifs tentent d’imposer unilatéralement des décisions impérialistes et colonialistes et de nier la volonté des peuples. Du début à la fin de 1943 – au Liban comme en Syrie – L’expérience du mandat français est en tension constante avec son péché originel : la bataille de Meysalloun. Alors que cela devrait signifier la fin d’un mouvement nationaliste avec le départ du roi Faisal de Damas, c’est finalement le symbole de la négation française des mouvements matériels qui animaient la société syrienne – et, dans une moindre mesure, libanais. C’est cette négation qui a conduit à l’échec de l’expérience de procuration française en Syrie et au Liban.

  • Carte de la répartition des habitants des zones sous mandat français au Levant par race et religion, 1935.20

Cela ne fait cependant pas du Liban et de la Syrie les colonies françaises. Le mandat est un régime juridique atypique qui cherche à unir indépendance incompatible et impérialisme. Bien entendu, le texte de la Charte du mandat est largement mis à l’épreuve, révélant la violence et la brutalité de l’expérience d’un avocat qui a toujours refusé de remplir son mandat. idée nationaliste prédominante à voir dans les régions du Levantin. Mais nous pouvons aussi voir les ambivalences de l’expérience du mandat, dans l’accommodement politique de la bourgeoisie libanaise, dans la résistance du nationalisme syrien aux impôts français, symbole de « dépendance » impossible et rejetée par les peuples. En outre, la longue histoire de l’impérialisme français sur le territoire ottoman et postosaïque et l’absence d’un règlement, malgré la prédance économique et la domination militaire, conduisent à la caractérisation du Liban et de la Syrie comme des « colonies » pays coloniaux et impérialistes, que la France, d’autre part géographique. au XVIIIe siècle, XIXe et XXe siècles, lorsque l’utilisation du terme « colonie » me semble me poser plus de questions que de réponses. Comme si, en fin de compte, le mandat était le symbole d’un empire colonial décadent, contre le droit des peuples à une véritable autodétermination.

  1. Agence Meurisse, Gare de Lyon : Arrivée du général Gouraud de retour de Syrie en 1920, photo de presse, photo, 13*18cm. Bibliothèque Nationale de France, Département des Estampes et de la Photographie.
  2. H. Laurens, « Conclusion — Le mandat français pour la Syrie et le Liban », dans N. Méouchy (dir.), France, Syrie et Liban (1918-1946) : ambiguïtés et dynamiques des relations de l’agent, Damas : IFPO Press & Institut Français d’Études Araberas, 2002, p. 310.
  3. J. Thobie et F. Hincker, « Imperialism : The Word and the « Actuel Marx, Volume 2, no 15, 1995, p. 105.
  4. J.-D. Mizrahi, « Introduction — La France et sa politique de mandat en Syrie et au Liban (1920-1939) », dans N. Méouchy (éd. ), France, Syrie et Liban (1918-1946) : ambiguïtés et dynamiques des relations d’agents, Damas : IFPO Press & Institut Français d’Études Arabisches, 2002, p. 24.
  5. Ibid., p. 24
  6. .

  7. Identification.
  8. C. Verdeil, « Introduction — Missions chrétiennes dans les terres de l’Islam (XVIIe au XIXe siècle) », dans C. Verdeil (éd.), Missions chrétiennes dans le pays de l’Islam (XVIIe – XIXe siècles). Anthologie des textes missionnaires, Turnhout : Brepols, 2013, p. 42.
  9. Cette question du lien entre confessionnalisation et laïcité au tournant du XXe siècle est abordée dans une contribution antérieure.
  10. C. Verdeil, op. cites., p. 33.
  11. J.D. Mizrahi, op. cite., p. 23.
  12. Identification.
  13. Société des Nations, « Charte du mandat pour le Liban et la Syrie adoptée par la Société des Nations ou la Déclaration de Londres », dans N. Méouchy (éd.), France, Syrie et Liban 1918-1946 : ambiguïtés et dynamiques du devoir, Beyrouth : IFPO Press, 2013, p. 421 à 428.
  14. Identification.
  15. J.D. Mizrahi, op. cite., p. 27
  16. Ibid., p. 27 et 29. Jean-David Mizrahi propose de se pencher sur le budget du mandat, qui a témoigné à la fois les députés et l’héritage des capitulations ottomanes. et mandats syriens.
  17. Ibid., p. 30.
  18. Etat libanais, « Constitution de la Première « République libanaise », 1926.
  19. J.D. Mizrahi, op. cite., p. 30-43. Son travail remonte en détail au différend constitutionnel entre le mouvement nationaliste syrien et les autorités mandataires de 1926. En particulier, il évoque les questions sémantiques entre « traité » et « mandat », utilisant ces décisions juridiques prises par les autorités mandataires pour déstabiliser les nationalistes syriens dans leur quête d’une véritable indépendance.
  20. Id., p. 37-38.
  21. Bureau topographique des troupes françaises du Levant, de la Syrie et du Liban. Répartition des différents groupes vivant dans des mandats, selon la race et la religion françaises.
  22. Travaux réalisés avec l’appui du Représentant spécial du Levant, 1935, Card, 740* 615. donner une définition du terme « colonie » avant de refuser son emploi. Le Trésor français définit une « colonie » comme « territoire étranger placé sous la dépendance politique d’une métropole qui s’est chargée de l’améliorer et de civiliser ses habitants ».